Portrait de Famille de Musiciens

Entre la scène de genre sentimental de Marguerite Gérard, propre aux artistes féminins, rappelant aussi les débuts de Boilly, héritage de Greuze, et le préromantisme de Prud’hon et de son élève Constance Mayer, cette œuvre nous plonge dans l’intimité d’une famille de musiciens, partitions sur les genoux et piano en arrière-plan, au lendemain de la Révolution.

Derrière ce bonheur et cet amour familial se devine néanmoins une atmosphère mélancolique que la palette et l'expression des visages trahissent. Une tragédie peut-être dû à la Terreur est alors suggérée à la vue au second plan du portait en grisaille d’un violoniste dans un cadre ovale en bois noirci.

L’absence paternelle, s'il y a, semblerait avoir renforcé les liens maternels exprimés ici par la tendresse d’un bras autour du cou ou d’un poignet.

L’intimité et la spontanéité de la scène sont accentuées par une délicate nature morte au service à thé en porcelaine de Paris agrémentée d’un drapé de serviette qui parfait cette petite composition isolée.

La mère de famille vêtue d’une robe droite et blanche très en vogue en cette fin du XVIIIe siècle est une des similitudes avec l’œuvre de Pierre-Paul Prud’hon qui immortalise Madame Georges Anthony et ses deux fils en 1796.

"Madame Georges Anthony et ses deux fils"

Pierre-Paul Prud'hon

1796

huile sur toile

98 × 81 cm

Musée des Beaux-Arts de Lyon 

Ces œuvres sont aussi les témoins de cette nouvelle façon de représenter l'enfant, non plus comme un adulte miniature ou un putto allégorique mais au contraire à la physionomie et au canon réalistes. Le portrait d'enfant a pris une place majeur dans la peinture de la fin du XVIIIe siècle en parti dû à l'ouvrage de Rousseau "Émile ou de l'éducation" publié en 1762. Il a influencé les artistes tels que Fragonard, Vigée-Lebrun, Greuze et tant d'autres.

La position au bras soulevé et l’autre posé de notre modèle est très proche de celle qu'affectionnait Constance Mayer qu'elle réalisait comme une signature qui lui était propre. Ce rapprochement est flagrant dans sa représentation d'Amable Tatsu.

Constance Mayer

Portrait d'Amable Tastu

1817

Metz, Musée de la Cour d'Or